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William Lane Craig
Imposer une lecture technique par Vern Poythress Des numéros de section ont été rajoutés à l’extrait ci-dessous afin d’aider le lecteur à suivre les commentaires que le  théologien réformé Jean-Marc Berthoud a bien voulu faire sur le texte de Vern Poythress. Voir ici. 1) Il se peut que nous trouvions une tendance à lire la Bible avec des attentes techniques dans certaines  discussions à propos des « eaux au-dessus de l’étendue » de Genèse 1:7. John C. Whitcomb Jr et feu Henry M. Morris ont suggéré que ces eaux formaient « une vaste canopée de vapeur qui entourait la terre, » et qui, plus tard, fournirait une partie de l’eau du déluge de Noé.[1] D’autres pensent que c’était une canopée de glace qui a fondu et a donné lieu aux eaux du déluge. Mais Psaumes 148:4 parle des « eaux au-dessus des cieux » comme de quelque chose qui existait encore lorsque le psalmiste écrivait ce psaume, bien après le Déluge. De plus, Genèse 1, qui s’adressait à des gens qui vivaient bien après le Déluge, doit être interprété d’une manière qui ait un sens pour ces personnes. Elles n’avaient pas une théorie scientifique élaborée concernant le monde prédiluvien.  Lorsqu’elles lisaient Genèse 1, elles avaient besoin que le texte leur décrive des choses qu’elles pouvaient  identifier. Psaumes 148:4 confirme que les « eaux au-dessus des cieux » étaient un élément qui leur était  familier. 2) Calvin pense qu’elles réfèrent aux nuages.[2] Ou bien il se peut qu’elles soient une référence à la pluie qui  descendait d’en haut,[3] comme les anciens pouvaient l’expérimenter. L’eau de pluie s’était amassée en haut  avant de descendre. Mais il est possible qu’une personne ordinaire de l’Antiquité ne connaisse pas les détails  scientifiques, par exemple le fait que la vapeur d’eau existe sous une forme invisible avant de se condenser sous la forme de nuages ou de la pluie. Ces détails ne sont pas pertinents dans le cadre du but assigné par Dieu à  Genèse 1. 3) Par ailleurs, les lecteurs sceptiques de la Bible ont quelquefois tenté d’imposer une signification technique à Genèse 1. Ils ont, de fait, imputé à la Bible une « science » primitive erronée. Par exemple, certains ont prétendu que la Bible enseigne que l’eau de pluie est retenue par une barrière solide du ciel. L’eau descend du ciel quand Dieu ouvre « les fenêtres du ciel, » qui sont conçues comme étant des plaques solides qu’Il retire. Mais les  anciens savaient suffisamment bien que la pluie venait des nuages :   … les cieux se fondirent et les nuées se fondirent en eau  (Juges 5:4).   Les nuages versèrent de l’eau par torrents… (Psaumes 77:17) … comme une pluie du printemps (Proverbes  16:15).   Quand les nuages sont pleins de pluie, ils la répandent sur la terre… (Ecclésiaste 11:3).   Et je donnerai mes ordres aux nuées, afin qu’elles ne laissent plus tomber la pluie sur elle (Esaïe 5:6).   4) Dans I Rois 18:44, le serviteur d’Élie voit « un petit nuage de la taille de la paume de la main, » indiquant  l’arrivée de la pluie. Tout le langage utilisé pour décrier les fenêtres (Genèse 7:11; 8:2) est une métaphore  colorée, comme l’on peut le voir dans le fait que, dans Malachie 3:10, Dieu ouvre « les fenêtres du ciel » pour  déverser une bénédiction. En 2 Rois 7:2, l’officier postule que le Seigneur « ferait des fenêtres au ciel » pour  fournir du grain. Pris au sens littéral, ceci est incohérent avec l’existence des fenêtres dans le ciel permettant à la pluie de tomber sur terre ! Un tel langage ne formule donc pas une théorie quasi scientifique, mais donne une  image colorée. Il y a quelque temps, j’ai moi-même entendu un chrétien de ma connaissance (qui n’est pas un  érudit de la Bible) décrire une expérience dans laquelle il disait que « les cieux étaient ouverts » et qu’une forte pluie était tombée. 5) Ayant cela à l’esprit, nous pouvons retourner au récit du déluge de Noé de Genèse 7-8. Au commencement du déluge de Noé, Genèse 7:11-12 dit que « les fenêtres des cieux s’ouvrirent. Et la pluie tomba sur la terre quarante jours et quarante nuits. » Bien que les gens sussent que la pluie venait des nuages, ils ne savaient pas  nécessairement ce qui fournissait de l’eau aux nuages. Et la quantité d’eau qui tomba pendant le déluge de Noé fut véritablement remarquable. Par conséquent, l’épisode est décrit comme si quelqu’un ouvrait un trou dans un plafond et déversait des seaux remplis à rabord. Plus loin, dans Genèse 8:2, « les fenêtres du ciel furent fermées, » ce qui arrêta les trombes d’eau. La seconde partie du verset explique la même chose en employant l’image des fenêtres : « La pluie ne tomba plus du ciel. » 6) Nous pouvons recevoir plus d’éclairage encore en nous demandant ce que sont ces « cieux » auxquels réfère Genèse. En Genèse 1:6, Dieu fit «une étendue » (« firmament » dans la version King James) et l’appela alors « ciel » (1:8). (Les mots cieux et ciel en anglais traduisent le même mot hébreu, shamayim.) Plus loin, au verset 15, les luminaires célestes sont « dans l’étendue du ciel » (en hébreu shamayim). En d’autres termes, ils se trouvent donc dans le ciel. Le mot traduit par « ciel » en hébreu peut dénoter le ciel (comme dans Genèse 1:15, voir aussi Genèse 15:5). Il s’agit du lieu d’où vient la pluie (comme dans Genèse 8:2). La terre de Canaan « boit les eaux de la pluie du ciel » (Deutéronome 11:11). Si Dieu est en colère, « Il fermerait les cieux, et il n’y aurait point de  pluie» (Deutéronome 11:17). Quand Dieu bénit, « l’Éternel t’ouvrira son bon trésor, le ciel, pour envoyer à ton pays la pluie en son temps… » (Deutéronome 28:12). Voyez aussi 2 Samuel 21:10; 1 Rois 8:35; Psaume 104:13; Esaïe 55:10 et Jérémie 10:13. 7) Le même mot pour « ciel » peut aussi dénoter le ciel invisible où Dieu est environné d’anges : « Regarde de ta demeure sainte, des cieux, et bénis ton peuple d’Israël… » (Deutéronome 26:15). « Exauce du lieu de ta demeure, des cieux » (1 Rois 8:30). Mais en Genèse 1:15, il réfère au ciel, et il est naturel de prendre la référence  précédente de Genèse 1:8 dans le même sens. Les eaux d’en bas finissent par se rejoindre pour former des «  mers » (Genèse 1:10). Les « eaux du ciel » sont donc la source de pluie, comme elles le sont lors du Déluge de  Noé et dans les passages cités de Deutéronome et ailleurs. Aucune explication scientifique technique n’est  donnée. 8) En fait, dans son discours adressé à Job, Dieu lui fait remarquer qu’il ne connaît pas les mystères de la pluie, de la neige et de la grêle (Job 38:22, 25-30). Prendre l’expression « les eaux au-dessus des cieux » comme un langage technique irait à l’encontre même de ce que Dieu affirme à propos des limitations des connaissances  anciennes. La Bible décrit ce qu’une personne ordinaire pourrait observer au sujet du ciel au-dessus d’elle et de la pluie qui tombe.[4] Une Proto-Science parmi les Babyloniens 9) Les Babyloniens, depuis une époque primitive, avaient des experts qui se consacraient à l’étude du ciel. Ils  développèrent une expertise technique qui leur permettait de calculer les périodes lunaires et, en définitive, de prédire les éclipses du soleil et de la lune.[5] La prédiction des éclipses n’est pas tâche aisée et représente une réussite des plus impressionnante pour le monde antique. Cette expertise technique n’était pas comme la science moderne. Ses connaissances ne s’accroissaient pas exponentiellement, s’étendant pour englober toujours plus  d’éléments en leur sein. Mais elle avait tout de même encore des affinités avec les directions techniques de la  science moderne. Comme la science moderne, elle se focalisait sur les phénomènes, incluant leurs détails  quantitatifs, et ne s’arrêtaient pas simplement aux explications métaphysiques et téléologiques très générales. C’était une espèce de protoscience. 10) Dans l’ancienne Mésopotamie, les calculs astronomiques, qui étaient la discipline la plus proche de la  «science,» appartenaient à une sous-culture différente des anciens récits de la création. Les récits  mésopotamiens de la création ne montrent aucun signe d’intérêt pour les calculs ou pour la précision technique ou encore pour les descriptions techniques des mécanismes des phénomènes astronomiques. Bien plutôt,  l’Enuma Elish nous dit que le zénith est fait à partir du nombril de la déesse Tiamat, alors que le zénith paraît si différent maintenant de toute autre partie du ciel. Et Enuma Elish sous-entend que la terre a été faite à partir de la moitié du cadavre de Tiamat. Mais aucun fermier babylonien ne s’attendait à découvrir les restes du foie de Tiamat ou de l’os de son doigt dans son champ, et à changer ensuite ses techniques d’exploitation agricole en  conséquence ! Les récits de la création des Babyloniens et des Sumériens ne nous donnent pas de « science, » ni même une ancienne protoscience. Ils ne nous donnent pas non plus de substitut pour la science qui pourrait  remplir ce vide, parce que Babylone avait déjà une sorte de protoscience. Babylone avait déjà ses experts en  calculs astronomiques. 11) L’Enuma Elish avait un objectif différent, à savoir balayer d’une manière large l’histoire des origines  lointaines des relations mutuelles dont jouissent aujourd’hui les dieux, les humains et le monde. Une personne qui recherchait des informations techniques sur le fonctionnement présent du monde devait regarder ailleurs. 12) Genèse 1-3, comme nous l’avons indiqué, ne se construit pas sur les récits polythéistes, mais plutôt les  répudie. Mais en ce faisant, le texte ne répudie pas les calculs astronomiques babyloniens ni ne les approuve. Le fait est que la Genèse n’a pas un discours qui appartient au genre astronomique. Comme les récits polythéistes concurrents, elle décrit « le tableau général. » Elle répond aux grandes questions sur le monde, les questions  qu’une personne se pose pour avoir une orientation en ce qui concerne la signification de sa vie, la signification du monde qui l’entoure, le caractère de Dieu ou des idoles, et leur relation avec l’humanité. Les calculs  protoscientifiques se tiennent à l’un des côtés, comme faisant partie d’une petite sous-culture d’experts à  l’intérieur de ce tableau général. 13) Indirectement, Genèse 1 donne quelques indices à propos du rôle que les calculs astronomiques devraient avoir. Le quatrième jour, quand Dieu fit les corps célestes, Il spécifia : « Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel, pour séparer le jour d’avec la nuit; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les  années » (Genèse 1:14). La parole d’ordre de Dieu spécifie que les corps célestes devront servir pour marquer les époques. En particulier, le soleil contrôle les changements entre la lumière et les ténèbres, entre le jour et la nuit, qui forment un jour. Le soleil et les étoiles ensemble indiquent la course d’une année. Ainsi, indirectement,  l’étudiant en astronomie est invité à prendre part au spectacle, en observant les mouvements des corps célestes, et en essayant de discerner plus précisément comment Dieu leur ordonne de se mouvoir, et comment ils  marquent le temps. Indirectement, Genèse 1 conduit à instaurer et affirmer le rôle calculatoire de la protoscience ancienne. La protoscience joue un rôle subordonné à l’intérieur du «tableau général, » à savoir la relation entre Dieu et l’homme et le monde que Genèse 1-3 expose. La contribution de Genèse 1 14) Mais nous devrions ici insister de nouveau sur le fait que le tableau général que dépeint Genèse 1 n’est pas de la science, ni un substitut de la science, et que les critiques font une erreur en ce qui concerne son genre littéraire quand ils traitent le texte comme relevant de la science. En particulier, Genèse 1:7 ne fournit pas de détails  scientifiques, techniques sur les « eaux qui étaient au-dessus de l’étendue. » Jean Calvin montre la manière de traiter ce genre de langage quand il considère Psaumes 148:4 :   Le conjecture que certains ont faite, selon laquelle des eaux sont déposées au-dessus des quatre éléments, n’a aucun fondement; et quand le psalmiste parle de ces eaux comme étant au-dessus, il réfère clairement à la  tombée de la pluie. C’est adhérer trop strictement à la lettre des mots employés que de concevoir qu’il y ait en quelque sorte une mer là-haut dans le ciel, où les eaux étaient déposées de façon permanente; car nous savons que Moïse et les prophètes parlent ordinairement dans un style ordinaire, adapté à la capacité de compréhension la plus modeste. Il serait absurde, de fait, de chercher à réduire ce qu’ils disent à des règles de philosophie;… [6] 15) « Les règles de philosophie » auxquelles Calvin fait référence sont proches de la « philosophie naturelle » qui se développera plus tard dans la science moderne. Calvin perçoit la différence entre le fait de parler «dans un  style ordinaire » dans le but de s’adresser aux gens ordinaires, et celui d’aborder des problématiques techniques de « philosophie » ou de science. Notes : [1] John C. Whitcomb Jr et Henry M. Morris, The Genesis Flood: The Biblical Record and Its Scientific Implications  (Philadelphie: Presbyterian & Reformed, 1961), 229, 240. [2] Calvin, Genèse, 1:80-81; de façon similaire, Augustin, The Literal Meaning of Genesis (De Genesi ad litteram) 2.7; Saint  Basil, Hexaemeron 3.8. [3] Thomas d’Aquin semble être en faveur d’un point de vue similaire lorsqu’il dit que le “firmament” ou “étendue” pourrait  être “cette partie de l’atmosphère où les nuages subissent la condensation,” et où « les eaux qui sont au-dessus du firmament  sont les mêmes que celles qui, lorsqu’elles s’évaporent et montent dans l’atmosphère, sont la source des pluies » (Aquin,  Summa theologiae [texte en latin et traduction anglaise; New York: Blackfriars & McGraw-Hill; Londres: Eyre & Spottiswoode, 1964], 1a. q. 68, 1, p. 75; et 1a. q. 68, 2, p. 79). [4] On entend dire quelquefois que le langage employé dans la Bible a pour arrière-plan la cosmologie « ancienne » qui postule des eaux souterraines, puis une terre solide, et ensuite une voûte solide en forme de « firmament » pour le ciel, ensuite la mer au-dessus du firmament (Paul H. Seely, « The Firmament and the Water Above. Part I: The Meaning of raqia' in Genesis 1:6- 8,” Westminster Theological Journal 53 [1991]: 227-240; Seely, "The Firmament and the Water Above. Part II: The Meaning of 'The Water Above the Firmament' in Gen 1:6-8," Westminster Theological Journal 54/1 [1992]:31-46; Seely, "The Geographical Meaning of 'Earth' and 'Seas' in Genesis 1:10," Westminster Theological Journal 59 [1997]: 231-255; Seely, "Noah's Flood: Its Date, Extent, and Divine Accommodation," Westminster Theological Journal 66 [2004]: 291-311). A ceci, il peut être répondu que, d’une part, le Proche Orient ancien n’avait pas une seule “cosmologie ancienne” unifiée, mais plusieurs récits – sumériens, babyloniens, égyptiens et hittites – qui se contredisaient mutuellement sur certains points, mais qui avaient tout de même des similitudes. Genèse 1, comme nous l’avons observé, exhibe quelques similitudes avec ces récits, mais il répudie les récits païens en faveur d’une alternative monothéiste. Mais supposons maintenant, pour les besoins de l’argumentation, qu’à partir de ces récits païens variés, nous puissions  extraire un ensemble d’hypothèses qui étaient aussi partagées par les Hébreux anciens. La Bible décrit néanmoins des choses que les Hébreux (et par la suite d’autres lecteurs) pouvaient voir par eux-mêmes. Supposer que le texte enseigne des vues  cosmologiques techniques détaillées revient à confondre le texte avec la totalité de ce que les lecteurs auraient pu croire. Par ailleurs, une interprétation cosmologique moderne des récits anciens peut quelquefois ne pas imposer aux textes une  préoccupation liée au physicalisme qui n’appartient pas à ce genre de littérature au sein du milieu culturel ancien. Par  exemple, l’idée que le firmament soit littéralement solide est invalidée par l’affirmation de Genèse 1:17 selon laquelle Dieu  place les luminaires « dans l’étendue [firmament] des cieux. » Si les luminaires dans le ciel étaient littéralement incrustés dans un solide, ils ne pourraient pas se déplacer comme ils le font à l’évidence. Peut-être que les anciens pouvaient voir ce qui était évident, ainsi qu’être sceptiques à propos des implications physicalistes supposées des récits cosmogoniques païens. [5] The Encyclopaedia Britannica, 11e édition (Cambridge/New York: The University Press, 1910) 2:809c. [6] Jean Calvin, Commentary on the Book of Psalms, 5 volumes (réimpression; Grand Rapids, Michigan: Eerdmans, 1949),  5.305. Référence : Extrait du chapitre 6 de Racheter la science, Les Editions La Lumière, avril 2016, pages 113-118.